Voici un mot que le chef a employé quelques fois ces derniers temps. Nombre d'entre nous ont écarquillé les yeux, ne connaissant pas cet instrument qui fait partie de l'harmonisation de la prochaine pièce interprétée par VOCALYSE : Missa Votiva.
Alors me voila parti vous expliquer le Théorbe, à la demande du chef.
C'est une sorte de très grande guitare , d'une dimension assez imposante (en fait , c'est énorme - et ça fait partie de la famille des archiluths). on en jouait beaucoup en France et en Italie vers le 17ème siècle. Cet instrument a peu à peu disparu au profit d'instruments à cordes plus transportables (comme les guitares et les mandolines). ce qui est amusant dans cet instrument c'est que certaines cordes ne se jouent qu'à vide (comme pour une harpe) et d'autres ont des touches (comme pour une guitare).Il s'agit d'un instrument à cordes pincées.
Au XVIIe siècle, l'évolution du théorbe a suivi deux voies :
- le théorbe romain, encore appelé Chitarrone;
- le théorbe de Padoue.
Les joueurs de théorbe se nomment théorbistes.
Le théorbe était utilisé à la fois pour la basse continue et comme instrument soliste. Il servait aussi pour l'accompagnement du chant. Au XVIIIe siècle, en France , on utilisait surtout le théorbe d'accompagnementLe Théorbe comporte deux type de cordes :
Le petit jeu est le registre habituel du luth. Il se compose généralement de six cordes doubles (chœurs) ou simples, longues et fines, en boyau, qui s'attachent sur le premier cheviller et qui passent au-dessus de la touche, permettant de modifier la hauteur des sons avec les doigts de la main gauche.
Le grand jeu est le registre le plus grave, il a généralement huit cordes simples en boyau. Elles sont placées sur le second cheviller, ne passent pas au-dessus de la touche et sont donc jouées à vide. Le timbre en est plus riche et leur vibration se prolonge longuement, ce qui permet de soutenir l'harmonie. Elles sont accordées diatoniquement et leur accord peut être modifié selon la tonalité employée.
Le théorbe se distingue assez simplement du luth. Il est constitué de la même façon (forme de la caisse, cordes par deux - mais sans chanterelle isolée) mais dispose de deux chevillers, et les cordes les plus graves, attachées au second cheviller, ne peuvent pas être actionnées sur la touche.
Pour parler plus clairement : pour jouer du violon ou de la guitare, on pose les doigts sur les cordes pour changer leur longueur et donc leur hauteur. Dans le cas du théorbe, les cordes les plus graves gardent toujours la même hauteur une fois accordées (on peut bien sûr modifier l'accord avant de jouer).
Avec cela, on peut déterminer à l'œil nu ce qu'est un théorbe. D'un point de vue décoratif, on peut remarquer (mais ce n'est en rien une preuve, c'est juste une question de résonance comme la caisse est en général plus grande !) que les théorbes français sont généralement percés de trois rosaces (et non d'une comme pour le luth).
Voyons à présent les caractéristiques musicales.
Le théorbe a la particularité d'utiliser un accord rentrant, c'est-à-dire que les deux dernières cordes du bas, au lieu de continuer à progresser vers l'aigu, sont légèrement plus graves que la troisième (et la quatrième) en partant du bas. Cet accord a deux raisons principales.
- Il permettait de jouer des notes conjointes (c'est-à-dire qui se suivent) sans poser les doigts sur la touche, ce qui est infiniment pratique lorsqu'on dispose de plus de dix cordes à manipuler avec quatre doigts...
- Le théorbe était essentiellement employé en accompagnement, et par conséquent le fait de ne pas disposer d'un aigu brillant n'était nullement un obstacle.
Qualités spécifiques
Le théorbe sonne plus grave pour trois raisons.
- Les cordes graves descendent plus bas que le luth.
- Ces cordes ne sont pas retenues par la main et continuent à vibrer une fois actionnées, ce qui renforce la résonance des basses.
- L'accord rentrant "bouche" en quelque sorte l'aigu, puisqu'il n'est pas naturellement dans l'accord des cordes.
Son timbre est aussi plus rond, quelque part entre le luth et la guitare moderne. Il a quelque chose de très spécifiquement chaleureux, quelque chose de berçant à la façon d'un murmure de voix humaine. S'il a été aussi apprécié (avant d'être en partie supplanté par l'archiluth), c'est qu'il était plus puissant que le luth dans les parties graves (et pourtant, quiconque a assisté à un concert avec théorbe peut témoigner qu'on entend mal l'instrument, même en solo, en dehors de petits espaces...), et donc plus adapté à l'accompagnement.
La taille de l'instrument est bien plus grande parce que, du moins en l'accordant avec des boyaux, on ne peut pas indéfiniment augmenter la densité du matériau qui vibre pour rendre le son plus grave : il faut forcément allonger les cordes. Les anciens avaient tout de même rusé, avant qu'apparaisse le filage en laiton, en tressant des boyaux ensemble : un boyau trop large sonne mal, mais l'élasticité de petits boyaux mis ensemble était meilleure. Les anglais appelaient cela cet assemblage catlin.
La caisse de résonance est du coup également agrandie, et le son plus large.
Cela peut d'ailleurs limiter physiquement la possibilité de certains interprètes de jouer des théorbes très grands lorsque le bout de la touche est loin.
Du fait de ses caractéristiques d'accompagnement, il existe peu de littérature pour théorbe soliste, et la plupart de ces pièces sont d'ailleurs composées par des compositeurs qui étaient également luthistes.
Comme, par ricochet, tous les luthistes ne sont pas théorbistes et comme le disque donne assez peu de choses à l'instrument, on peut citer les compositeurs tutélaires chez qui chercher :
- Bellerofonte Castaldi
- Nicolas Hotman (introducteur de l'instrument en France)
- Johannes Hyeronimus Kapsberger
- Alessandro Piccinni
- Robert de Visée
Les trois derniers fournissent l'essentiel du corpus. Mais bien entendu, il existe toutes sortes de transcriptions possibles à cette époque, et l'on peut tout arranger pour tout, il va sans dire.
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