En effet, un étude publiée dans la revue de chimie "Angewandte Chemie International Edition" et reprise par divers journaux laissait entendre, le 9 décembre dernier, ses résultats. Cette étude était menée à partir de cinq violons d’Antonio Stradivari (1644-1737) conservés au Musée de la musique (Cité de la musique) à Paris.
Ces cinq stradivarius présentaient le double mérite d’être dans un bon état de conservation et de couvrir plus de trente ans de facture du maître de Crémone. Depuis deux siècles et demi, le millier d’instruments à cordes fabriqué par Stradivarius, dont plus de la moitié nous est parvenue, a suscité bien des convoitises. Leur sonorité, réputée unique, a été au centre de multiples hypothèses. Outre le bois, le vernis a particulièrement intéressé les chercheurs, mais aucune étude de longue haleine avec une équipe multidisciplinaire (chimistes, luthiers, restaurateurs…) n’avait été menée. C’est maintenant fait, grâce à une équipe composée de douze chercheurs.
Le résultat surprendra ceux qui croyaient en la sophistication des matériaux utilisés. « Nous avons découvert que Stradivarius avait employé des composants communs et facilement disponibles, qui étaient habituellement utilisés parmi les artisans et artistes du XVIIIe siècle », écrivent les signataires de l’article.
Grâce à des analyses effectuées notamment sous la lumière infrarouge du synchrotron SOLEIL, installé sur le plateau de Saclay, près de Paris, l’équipe a pu déterminer la composition chimique du vernis, constitué de deux très fines couches. La première est à base d’huile. Elle est recouverte d’une seconde, un mélange d’huile et de résine de pin auquel Stradivarius a incorporé différents pigments utilisés en peinture. Cette technique pourrait « expliquer la chatoyance des reflets et la texture des bois vernis des violons », explique l’équipe de recherche.
« Autant on n’a pas d’indice qui permettrait de dire que le vernis a une influence sur le son, autant la présence de ces pigments, dans les quatre instruments les plus tardifs, montre une intention de colorer le vernis, souligne Jean-Philippe Echard, ingénieur-chimiste au laboratoire de recherche et de restauration du Musée de la musique. C’est la même technique que celle qu’utilisaient les peintres de chevalet, comme les Vénitiens, ceux de l’Italie du nord, pour faire les nuances des carnations ou figurer la richesse des draperies rouges ». Les chercheurs vont maintenant essayer de retrouver le geste possible de Stradivarius. Selon Echard, la connaissance acquise sur les vernis sera utile pour conserver les instruments et « intéresse énormément la communauté des luthiers qui, depuis longtemps, cherche à obtenir les effets visuels des stradivarius ». Mais si la couleur des violons d’exception a livré son secret, la raison de leur sonorité reste un mystère.
Il y avait bien longtemps que l'on attendait cela, car aucun détenteur de ces instruments ne voudrait laisser, ne serait-ce qu'un infime échantillon d'instrument.
Toutefois, au long des siècles passés, on a tenté d'apporter différentes hypothèses pour expliquer la qualité exceptionnelle de ces instruments.
D'abord, le personnage :
Antonio Stradivari est né en 1644 à Cremona en Italie, d'Alessandro Stradivari et d'Anna Moroni ; il est mort dans sa ville natale le 18 décembre 1737, à près de 93 ans.
Selon certaines sources, il aurait été élève de Niccolò Amati de 1666 à 1679, et selon d'autres, élève d'un des Ruggeri. Quoi qu'il en soit, l'étiquette du violon de 1667 Ashby Strad, porte la mention alumnus Amati ce qui atteste, au moins, de l'influence de Niccolò Amati sur son travail.
La famille Amati, dont un des ancêtres, Andrea, inventa le violon, à partir de la viole, vers 1560, fut une grande famille de luthiers.
Stradivarius a été un des plus fameux luthiers de l'histoire. Les meilleurs instruments furent construits entre 1700 et 1720.
Son époque fut marquée par une évolution des besoins en lutherie. Les salles de concert, de plus en plus vastes, nécessitaient des instruments d'une puissante sonorité. Ce n'était pas l'apanage des violons assemblés par Amati. De 1670 à 1700, Stradivarius sut améliorer la qualité de sa production en ce sens, notamment en allongeant le corps de l'instrument et en le bombant, créant les longuets (le gain en longueur étant d'environ 5 mm). Puis, entre 1700 et 1710, il revint à un modèle plus classique. Enfin, les instruments qu'il produisit entre 1710 et les années 1725-27, sont considérés comme étant les meilleurs de sa production. Cette période est d'ailleurs qualifiée par les experts d'« âge d'or ».
À sa mort, deux de ses fils (il eut 11 enfants de deux épouses), Francesco et Omobono, continueront l'entreprise de leur père.
Les instruments
L'explication de la qualité exceptionnelle de ces instruments reste controversée. De très nombreuses pistes de recherches ont été lancées, mais aucune n'est totalement convaincante. En effet, le choix du bois, le vernis jouent un rôle certes non négligeable, mais un luthier parisien, dans les années 1960, a fabriqué un très bon violon avec des lattes de plancher de son appartement, pour montrer que certaines hypothèses extravagantes ne tenaient pas debout (certains parlaient même de bois de château-fort que Stradivari aurait récupéré en bon état de conservation, d'où une grande ancienneté). D'ailleurs, plusieurs tests en aveugle montrent que, globalement, les célèbres violons s'en tirent bien mais ne sont pas systématiquement jugés les meilleurs
Récemment, une analyse poussée a démontré que le vernis était des plus ordinaires.
L'hypothèse la plus répandue est que la grande qualité de ces violons vient du savoir-faire du luthier, sans nul doute excellent, et de la bonne qualité des matières utilisées. En effet, Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875), célèbre luthier français, construisit des instruments très appréciés et de grande facture, utilisa du bois de l'époque de Stradivarius, collecté en Suisse.
Dans son carnet en commentaire de la figure ci-jointe, A. Stradivarius écrit « Qui croirait que, pour construire un violon, il faut d'abord tracer deux pentagones dans un cercle ? Mais les lois de l'harmonie découvertes par Platon président aussi bien à la construction des figures géométriques qu'à la conception musicale, à cette conception abstraite de la musique-pensée ainsi qu'à l'établissement des proportions des instruments conçus pour la jouer ».
Une hypothèse récente a été formulée par Joseph Nagyvary, de la Texas A&M University : l'utilisation de la résonance magnétique nucléaire et de la spectroscopie proche infrarouge a mis en évidence que les molécules d'un des composants du bois, l'hémicellulose, étaient rompues. Selon Nagyvary, ce phénomène résulterait de l'oxydation produite par un pesticide utilisé à l'époque. Les propriétés acoustiques des instruments auraient ainsi changé à l'insu du luthier. Les instruments fabriqués par Andrea Guarneri présenteraient la même particularité.
Une autre hypothèse avancée par les climatologues pourrait expliquer la qualité des instruments de Stradivari. La fin du XVIIe siècle a connu une mini période glaciaire qui aurait fortement ralenti la croissance des arbres. Ce ralentissement aurait donc donné des bois moins denses donc plus aptes a prolonger les résonances et donner de l'emphase aux sons.
Cette hypothèse, comme la précédente a toutefois ses limites: si elles étaient vérifiées cela voudrait dire que tous les luthiers de Crémone de cette époque (environ 300) auraient fait des violons de qualité équivalente a celle de Stradivari. Ce qui, bien sur, n'est pas le cas.
Sur les 1 100 instruments fabriqués par Stradivari, 696 sont arrivés jusqu'à nous dont certains dans un état exceptionnel de conservation avec leur montage originel, bien différent de celui qui est représenté sur la page du carnet de Stradivari.
Les prix de ces instruments prestigieux ne cessent de grimper. En mai 2006, le Hammer de 1707 a atteint le record mondial pour une vente aux enchères, soit 3,54 millions de dollars (2,7 millions d'euros)
Les instruments, portent historiquement le nom de leurs propriétaires ancestraux.
Violons les plus connus
- Le Soil (1714), souvent considéré comme le meilleur instrument du monde.
- Le Viotti (1709).
- Le Marylebone (1688).
- L' Emiliani (1703), joué par Anne-Sophie Mutter qui possède également le Lord Dunraven (1710).
- Le Marsick (1705).
- Le Hammer (1707).
- La Pucelle (1709).
- Le Gibson (1713). joué par Joshua Bell
- Le Dolphin (1714), joué par Jascha Heifetz.
- Le Des Rosiers, propriété d'Angèle Dubeau.
- Le Lipinski (1715), joué notamment par Giuseppe Tartini.
- Le Kochanski (1717).
- Le Milanollo (1728), joué par Viotti, Niccolò Paganini, Yehudi Menuhin, Christian Ferras et Pierre Amoyal.
- Le Comte de Fontana (1712) ayant appartenu à David Oïstrakh qui possédait également le Marsick, le Bérou (1714) et le Youssoupov (1736).
- Le Messie, (1716) qui resta dans l'atelier jusqu'à la mort de Stradivari
À propos de cet instrument, circule l'anecdote suivante : Vuillaume, le célèbre luthier mentionné précédemment, espérait intensément posséder cet instrument, dont le non moins célèbre collectionneur italien Luigi Tarisio(1790-1854), avait fait l'acquisition après la mort du Maître de Crémone. En vain semble-t-il, car le violoniste français Delphin Alard(1815-1888), rapporte qu'un jour, Vuillaume aurait dit à Tarisio : « Ah, votre violon est donc comme le Messie; on l'attend toujours, et il ne paraît jamais ! ». De fait, Tarisio ne s'en est jamais séparé de son vivant et Vuillaume dut attendre que celui-ci fut décédé pour acheter le précieux instrument. Par la suite, il en fit une copie en 1860. Depuis, l'authenticité du Messie a été mise en doute. L'Ashmolean Museum d'Oxford en est l'actuel propriétaire.
- Le Rochester, (1720).
- Le Barrere, joué par Janine Jansen.
Violoncelles les plus connus
- le « Duport » (1711), l'instrument de Mstislav Rostropovitch de 1974 à sa mort en 2007.
- le « Davidov » (1712), l'instrument de Karl Davidov, de Jacqueline du Pré, de Yo-Yo Ma.
- le « Servais » (1701), (Adrien-François Servais, violoncelliste belge) un instrument de très grande taille, d'environ 3 cm plus grand que les violoncelles actuels.
- le « Romberg » (1728)
- le « Batta » (1714)
- le « Piatti » (1720)
- le « du Pré » (1673), ainsi surnommé par son actuel possesseur Lynn Harrell ayant précédemment appartenu à la violoncelliste britannique Jacqueline du Pré. (Il l'a un jour oublié dans un taxi).
- le « Suggia »
- le « De Munck » (1730)
- le « Markevitch »
- le « Christiani » (1700)
- le « Lord Aylesford » (1696)
4 commentaires:
excellent article.
jean mathieu
Merci JM
Ca fait plaisir !
je me plains souvent d'être seul sur ce blog, mais si un seul article de celui-ci
est lu, est partagé, éclaire, ou fait plaisir à, ne serait-ce qu'un seul lecteur... alors c'est réussi.
RP
Je découvre votre blog, et bien que ne laissant pas de commentaire à chacune de vos publications, je vous remercie de la grande générosité avec laquelle vous nourrissez notre amour de la belle musique. Zelenka a d'ailleurs fait un adepte de plus parmi mes amis, ce matin. merci !
Merci pour votre grande générosité, vos publications sont de loin bien plus riches que celles d'autre sites "plus officiels". et Zalenka a fait, aujourd'hui, de nouveaux adeptes parmi mes amis. bravo !
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